vendredi 12 février 2010

Extrait de Récits des temps réels de Marjorie Accarier



Récits des temps réels

Marjorie Accarier


Temps réels

Où se poursuivent les réalités aléatoires en l’enceinte du Frac.


Temps réels est le titre générique qui regroupe durant quatre mois les expositions des étudiants des écoles des Beaux-Arts de Montpellier et Nîmes. Le projet est de filmer en direct et en continu, grâce à une webcam, ce qu’il se passe dans le Frac. Cette caméra (qui pourrait être de surveillance) est posée sur une table en plan fixe. La caméra est placée dans une pièce de la maison, qu’on nommera le bureau, dans laquelle deux étudiantes ont disposé un plancher (chutes de bois récupérées dans une ébénisterie), cette pièce se trouve à gauche à l’entrée de la « maison-Frac ».

Il est intéressant d’observer ce qu’il s’y passe à différents moments de la journée, ou de la nuit. Le point de vue reste toujours le même, c’est un cadre, une sorte de tableau animé (ou pas), un fragment du réel subjectif. Cet espace virtuel, puisqu’il ne vit et prends son sens qu’à travers internet, donne une dimension du lieu quasi indépendante, comme si le Frac prenait vie.

Cette caméra n’est pas placée là par hasard, elle donne le point de vue le plus large possible ; pour avoir accès au salon et aux chambres. Ce dispositif amène à regarder, à observer, on scrute l’intérieur d’une maison qui n’en est pas vraiment une, mais qui prétend l’être. Au premier coup d’œil, ce qui nous captive serait plutôt de l’ordre de l’humain, de l’animation, du comportement des gens face aux œuvres exposées. Les corps s’approchent des œuvres, s’accroupissent, se relèvent, tournent autour, regardent, pensent. Ces corps déambulent. Nous regardons des regardeurs. On se pose ainsi en tant que voyeur. Mais on devient observateur lorsque le Frac est vide. Lorsque la présence humaine n’est plus (cette présence, cette attitude, ce comportement, qui incarne la pensée et le langage) c’est à ce moment précis que le lieu se transforme en une entité vivante. On commence à contempler le vide. Les œuvres ne sont plus qu’apparats, les colonnes en pierre prennent toute leur ampleur, le blanc des murs nous aspire, les néons forment le squelette de la « bête » Frac. Une créature attendant l’obscurité pour commencer à vivre, loin des regards des curieux, des artistes, des critiques... Le Frac pourrait être un rat de laboratoire dont on observerait les agissements dans les moments où il n’y a plus personne, tôt le matin, aux heures creuses et le soir.

Temps réels au pluriel signifierait donc qu’il y a plusieurs réalités. Pendant que nous dormons, mangeons, parlons ailleurs, un espace-temps prends forme et évolue. A l’instant même où j’écris, le Frac est plongé dans l’obscurité et une infime lumière rouge se dessine, comme un œil. Je suis regardée à mon tour par cette chose, créée de toute pièce par l’humain.

lien: FRAC LR

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